Tout sur les changements de liturgie des messes et explications du Père Hervé Rabel

  Une nouvelle traduction du Missel romain  (Père Hervé Rabel)

1) Pour mieux entrer dans le mystère eucharistique

A compter du 1er dimanche de l’Avent, une nouvelle traduction du Missel romain entrera en vigueur, pour les pays francophones ; voyons particulièrement ce qui est relatif à la célébration de l’ordinaire de la messe. C’est par la constitution apostolique ‘Missale romanum’ (4 avril 1969) que saint Paul VI promulguait un missel ‘révisé’ ; trois éditions ‘typiques (c’est-à-dire normatives, en latin) se sont succédé : en 1970, 1975 et 2002. Jusqu’à ce jour, le missel en usage dans les paroisses était la traduction de la 1re édition typique ; la 3ème n’avait pas encore de traduction en français. C’est cette 3ème édition, de 2002, du missel, qui va bientôt être utilisée.

Il aura fallu près de 20 ans pour que cette nouvelle traduction française du missel s’élabore et reçoive le décret de confirmation de la Congrégation pour le culte divin ; c’est bien normal si l’on se souvient de l’expression italienne ‘Traduttore traditore’ (Traduire, c’est trahir) ; et c’est encore plus vrai quand il s’agit d’une matière aussi sensible que la liturgie.

De fait, chaque mot a fait l’objet de réflexion et de transaction entre Rome et les conférences épiscopales francophones, chaque évêque a pu donner son sentiment pendant ce long enfantement, l’objectif étant une plus grande fidélité au texte latin, tout en prenant en compte les habitudes de langage, différentes selon les pays. Un document de saint Jean-Paul II invitait à une traduction fidèle, quasi littérale ; mais ensuite, un motu proprio du pape François, en 2017, a donné un peu plus de souplesse. « C’est un texte très riche théologiquement qui doit nous aider à entrer dans le mystère de l’eucharistie » commentait Mgr de Kérimel, président de la commission épiscopale pour la liturgie. Car tel est bien l’objectif de cette nouvelle traduction : aider le célébrant et les fidèles à mieux entrer dans le mystère de l’Eglise et dans celui de l’eucharistie, en se rappelant la formule enracinée dans une tradition des plus anciennes : ‘L’Eglise fait l’eucharistie et l’eucharistie fait l’Eglise’. Accueillons pleinement et avec foi ces changements – qui ne sont nullement mineurs –  afin qu’ils nourrissent notre foi et nous incitent plus vivement à faire connaître le mystère du Christ, qui prend sa source dans l’eucharistie.

2) Concrètement, quels seront les changements ?

On notera principalement ceux qui sont relatifs aux fidèles.

– Préparation pénitentielle :

Le ‘Je confesse à Dieu’ est désormais le suivant :

Je confesse à Dieu tout puissant, je reconnais devant vous, frères et sœurs, que j’ai péché en pensée, en parole, par action et par omission ; oui, j’ai vraiment péché, c’est pourquoi je supplie la bienheureuse Vierge Marie, les anges et tous les saints, et vous aussi, frères et sœurs, de prier pour moi le Seigneur notre Dieu

– Gloire à Dieu :

Au lieu de dire ‘Toi qui enlèves le péché du monde…’ on dira : ‘Toi qui enlèves les péchés du monde’…

– Je crois en Dieu :

Important changement : au lieu de réciter ‘de même nature que le Père’, on affirmera désormais ‘consubstantiel au Père’. Dans le livret des épiscopats ‘Découvrir la nouvelle traduction du Missel romain’ (2019), on commente ainsi : « En affirmant que le Fils est consubstantiel au Père, on dit que le Fils est une seule et même substance avec le Père : en effet, il n’y a pas deux ou trois dieux, mais un seul Dieu, une seule substance divine en trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit ». Ce terme de substance (homoousios) avait été retenu au IVe siècle (Concile de Nicée, 325) pour lutter contre l’hérésie arienne ; la nouvelle formule reprend, en fait, la traduction latine et celle des orthodoxes.

– Prières sur les offrandes

Là encore, même si la formule actuelle peut être utilisée (‘Prions ensemble, au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Eglise – Pour la gloire de Dieu et le salut du monde’), on préfèrera la nouvelle traduction, mettant en valeur la notion de sacrifice et le rôle du célébrant, et qui est la formule de l’édition typique :

‘Priez, frères et sœurs : que mon sacrifice, et le vôtre, soit agréable à Dieu le Père tout puissant. Que le Seigneur reçoive de vos mains ce sacrifice à la louange et à la gloire de son nom, pour notre bien et celui de toute l’Eglise’

– Notre-Père :

Bien qu’elle soit récitée par le célébrant, on peut relever la nouvelle traduction de la prière après le Notre-Père (qu’on appelle l’embolisme), qui prend un accent plus eschatologique. Selon Mgr de Kérimel, « Après le Concile, il fallait parler au présent. L’eschatologie [les fins dernières] étaient alors vues comme une fuite… Or, aujourd’hui, dans une société sans avenir, l’Eglise veut montrer qu’elle sait où elle va », raison pour laquelle, selon l’évêque, s’opère « le plus beau changement dans ce Missel » :

‘Délivre-nous de tout mal, Seigneur, et donne la paix à notre temps : Soutenus par la miséricorde, nous serons libérés de tout péché, à l’abri de toute épreuve, nous qui attendons que se réalise cette bienheureuse espérance : l’avènement de Jésus-Christ, notre Sauveur’.

– Agneau de Dieu :

‘Qui enlève les péchés du monde’ et non plus ‘le péché’

– Communion :

L’invitation du célébrant est désormais la suivante :

‘Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau’, insistant davantage sur le caractère nuptial de l’Alliance réalisée par le Christ, et actualisée à chaque messe.

3) Pour conclure

Dans le numéro de ‘Prêtres diocésains’ d’avril 2020, le père Praud, du Service national de la pastorale liturgique et sacramentelle, mettait en valeur trois enjeux de cette nouvelle traduction : 1) un acte de confiance pastorale, de par la diversité et la richesse des choix à opérer : « Le missel constitue une sorte d’acte de confiance dans le ‘libre arbitre’ de l’homme célébrant. Aux prêtres comme aux fidèles, la nouvelle traduction liturgique continue de donner des moyens régulés pour s’adresser à Dieu selon la logique de la foi ». 2) Une dimension missionnaire : « La révision de certaines formulations du missel peut constituer une véritable opportunité missionnaire […]. Son objet est de faire de toute une vie humaine, une vie eucharistique », avec cette attention renouvelée des paroles prononcées. 3) Une participation eucharistique : « L’accueil de la nouvelle traduction offre de renouveler l’actualité d’une pastorale eucharistique de la prière et de la vie de nos communautés ».