Comme une mère…

Le lundi est un jour particulier pour les prêtres. C’est notre journée de repos qui  nous offre quelques heures de répit loin du tourbillon de la vie pastorale. Ce jour « off » me donne souvent l’occasion de rêver et de visiter quelques beaux musées parisiens. Dernièrement, lors d’un passage au Louvre, je me suis laissé surprendre par une sculpture en terre cuite du 18ème siècle représentant « l’allégorie de la charité ». Il s’agissait d’une femme allaitant son nourrisson un peu agité qui s’agrippait à l’encolure de sa robe. Accomplissant sa tâche nourricière avec attention, la jeune maman regardait son enfant avec beaucoup de tendresse et un beau sourire se dessinait sur son visage. Me revinrent alors en mémoire toutes ces mères de familles que j’ai croisées dans mon ministère quelques semaines après avoir mis au monde l’être cher qu’elles avaient attendu pendant de longs mois. Malgré la fatigue  clairement affichée elles sont ordinairement rayonnantes, tant elles sont heureuses de se donner généreusement et d’aimer inconditionnellement ce poupon qui les « mange » du matin au soir et du soir au matin !  Oui n’en doutons pas, la maternité est une école du don de soi qui reflète, d’une certaine manière, un autre mystère de la charité, celui du Christ qui donne sa vie pour chacun de nous sur la croix.

Dans l’évangile de Jean, la Passion du Christ est introduite solennellement par ces mots qui éclairent tout ce qui va se jouer par la suite et qui résument d’une certaine manière tout l’évangile : « Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » (Jn 13,1) Le jésuite Xavier Léon-Duffour, dans le commentaire qu’il fait de ce verset, précise que ce « jusqu’au bout » (eis télos en grec) exprime à la fois le terme et l’aspect le plus qualitatif de l’amour. Autrement dit, Jésus nous a aimés en accomplissant jusqu’au terme sa mission de Verbe Incarné, mais aussi en se laissant totalement « manger » dans l’offrande de sa vie. Avec toute la tendresse qui animait son cœur de Dieu, il s’est anéanti sur la croix, il s’est « vidé » pour nous (Ph 2,7). Vraiment, que pouvait-il faire de plus ?

Comme une femme heureuse de se donner sans compter malgré la fatigue de la maternité, plus encore Jésus sur la croix est heureux de se donner jusqu’au bout malgré les souffrances indicibles de la Passion, pour nous sauver et nous donner la vie en abondance (Jn 10,10). En cette semaine sainte qui approche, n’ayons pas peur de nous laisser transformer par ce grand élan de charité que Jésus ne cesse de nous révéler sur la croix !

Père Edouard Delafon, curé